Monthly Archives: décembre 2018

Transformée par le prophète qui pleure – Comment Dieu a changé ma façon de prier à travers le livre de Jérémie

(écrit par Paula, Eurasie)

Lorsqu’on m’a demandé d’écrire l’histoire de mon cheminement avec le livre de Jérémie, je dois avouer avoir ressenti quelques hésitations… Cela voulait dire revisiter une période qui était pour moi une croissance douloureuse – même si la lutte était pour une bonne cause !

Le livre de Jérémie m’a accompagnée alors que j’essayais de faire du sens de mémoires familiales difficiles et de douleurs intergénérationnelles. L’appel et la vie de Jérémie était évidemment bien différents des miens mais l’histoire de Jérémie et plus particulièrement sa relation avec Dieu pendant plusieurs dizaines d’années, m’ont appelée à une connaissance plus profonde de la vie de disciple au fil de mes rencontres avec Dieu à travers ces « textes de désastre ».

Jérémie a reçu l’appel de prêcher à la nation rebelle d’Israël alors qu’il était encore jeune et faible. Il a enduré un ministère apparemment sans fruit, ainsi que la solitude, l’emprisonnement et la moquerie. Malgré tout ce que cela lui a couté personnellement, Jérémie a persévéré : dans sa relation avec Dieu, dans l’amour pour son peuple (même s’il s’en arrachait les cheveux !) et dans le service du Dieu de l’espoir même quand il lui était impossible de voir d’où viendrait le salut.

Comment parler à Dieu lorsque tout ce qui nous semble familier et nécessaire à la survie nous est arraché, démonté et révélé n’être que de la paille ? Quels mots trouver lorsqu’on s’enfonce dans le désespoir ?

Les descriptions poétiques que Jérémie donne de Dieu (par ex. 2:13, 2:32, 18:6, 50:44) et ses complaintes envers Dieu (ses « confessions » des chapitres 11 à 20), colorées, sans retenue, franches au point d’être choquantes étaient pour moi comme un ouvre-boîte qui m’exposait à ma propre douleur et me permettait d’apporter ma propre expérience à Dieu avec une honnêteté à vif et des mots que je n’avais jamais osé prier. Ma réserve britannique m’en avait retenue – ou peut-être était-ce que je n’avais pas vraiment voulu confronter ces luttes profondes que Dieu aime tant racheter ?

Il m’a fallu apprendre le langage de la lamentation – au-delà de la louange et de la pétition – afin d’avoir un dialogue avec Dieu dans la réalité même de la lutte et de la douleur. J’avais besoin d’être rassurée que le Dieu que je rencontre dans le livre de Jérémie – un Dieu solide qui n’est pas troublé par les poings levés par Son peuple – est le même Dieu qui transforme et amène l’espérance à Son peuple en Christ. J’ai commencé à demander à Dieu de se montrer à moi comme Celui qu’il disait être.

L’amertume de l’expérience de Jérémie avec son peuple et sa lutte avec Dieu, et non contre Lui, m’ont appris à pleurer les fautes du passé chez ma famille. J’ai pu faire le deuil de ce qui était perdu et me permettre de ressentir de la peine face à l’injustice, et ne plus permettre à l’ordre ancien de continuer, ne serait-ce que dans mon cœur. Le livre de Jérémie nous montre qu’en tant que croyants, nous invoquons un Dieu qui sait transformer le cœur des gens : le Dieu vivant peut faire naître la nouveauté du néant, la repentance de la rébellion, une bonne manière de vivre suite au regret.

Livres pour lectures complémentaires :
Walter Brueggemann, Hopeful Imagination: Prophetic Voices in Exile.
Eugene H. Peterson, Run with the Horses: The Quest for Life at Its Best.

Entrer dans l’histoire de Dieu

Nous avons besoin des Écritures dans leur entièreté pour notre marche avec Dieu. De brefs versets choisis peuvent bien être précieux et importants mais ces passages individuels ne peuvent remplacer une perspective générale. Dietrich Bonhoeffer nous invite très pertinemment à entrer dans l’histoire de Dieu et à le rencontrer dans toute la réalité de son interaction avec le monde – qui surpasse de loin nos vies individuelles.

Le texte suivant est tiré du livre de Bonhoeffer : De la vie communautaire. Dietrich Bonhoeffer est un théologien allemand du milieu du XXe siècle. Il a fondé un séminaire théologique basé sur la vie communautaire et il était fortement impliqué dans le mouvement de résistance aux Nazis.

C’est ainsi que la lecture suivie des livres de la Bible oblige tous ceux qui veulent entendre, à approcher le lieu où Dieu a accompli une fois pour toutes son action de salut en faveur des hommes, et à s’y laisser trouver par lui. C’est précisément quand on les lit dans le culte que les livres historiques de l’Ecriture prennent pour nous un aspect absolument nouveau. Nous y devenons participants des événements qui se sont déroulés autrefois pour notre salut, et nous oubliant nous-mêmes, nous entrons avec le peuple dans la Terre promise à travers la Mer rouge, le désert, le Jourdain ; avec Israël, nous tombons dans le doute et l’incrédulité, et nous sommes ramenés par le châtiment et la repentance au Dieu fidèle et secourable ; et ce ne sont pas là des rêveries, mais une sainte, une divine réalité. Nous sommes arrachés à notre propre existence et introduits en plein milieu de l’histoire que Dieu inscrit sur la terre. Son action pour nous a commencé là, et c’est là qu’elle se poursuit encore aujourd’hui, sa colère et sa grâce dominant nos détresses et nos péchés. L’important ce n’est pas que Dieu soit le spectateur compatissant de notre existence présente, mais que nous soyons les auditeurs attentifs et actifs de son action dans l’histoire sainte, dans l’histoire du Christ sur la terre […]
 
Un changement radical se produit alors. Nous comprenons en effet que Dieu n’a plus à démontrer son secours et sa présence dans notre vie, puisqu’il les a manifestés définitivement pour nous dans la vie de Jésus-Christ. En fait, il est plus important pour nous de savoir ce que Dieu a accompli en Israël et en son Fils Jésus-Christ, que de nous tourmenter à découvrir ce qu’il a en vue pour nous aujourd’hui. La mort de Jésus-Christ est plus importante que ma propre mort, et sa résurrection d’entre les morts est le seul fondement de mon espérance en ma propre résurrection au dernier jour. Notre salut est « en dehors de nous» (extra nos), je ne le trouve pas dans les événements de ma vie mais uniquement dans l’histoire de Jésus-Christ. Seul celui qui consent à se laisser trouver en Jésus-Christ, dans son incarnation, dans sa croix et dans sa résurrection, est en Dieu, et Dieu en lui.

Dietrich Bonhoeffer, De la Vie Communautaire. Traduit par Fernand Ryser. Neuchâtel : Delachaux & Niestlé S.A., 1947, 51-52.